Travaux d’intérêts collectifs en copropriété : les nouveautés de la loi Elan

30/06/2020 - Copropriété

Isolation par l’extérieur, rénovation de toiture, modernisation de chaudière collective… Bon nombre de travaux d’économie d’énergie réalisés en copropriété affectent essentiellement les parties communes. Pourtant, des travaux sur les parties privatives sont parfois nécessaires, par exemple pour remplacer de manière globale des fenêtres mal isolées. Afin de permettre la réalisation de ce type de travaux, sans vote à l’unanimité quasi impossible à obtenir, le législateur a introduit la notion de « travaux d’intérêt collectif ». Avec plusieurs récents changements en la matière. État des lieux.

 

 

Depuis le 1er juin 2020, tous les travaux d’intérêt collectif décidés en assemblée générale peuvent s’imposer à un copropriétaire. Ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 faisant suite à l’adoption de la loi Elan le 23 novembre 2018) Ainsi, « un copropriétaire ne peut faire obstacle à l’exécution, même sur ses parties privatives, de travaux d’intérêt collectif régulièrement décidés par l’assemblée générale des copropriétaires ».

Travaux d’intérêt collectif : une notion qui ne date pas d’hier

Introduite par la loi Grenelle II (loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement), la notion de travaux d’intérêt collectif visait en premier lieu à favoriser la réalisation d’opérations de rénovation énergétique globale en copropriété. Comment ? En permettant de voter en assemblée générale des travaux portant tout à la fois sur les parties communes et celles privatives des lots appartenant aux copropriétaires, aux frais de ces derniers.

A noter : lors de la réalisation de travaux d’intérêt collectif sur des parties privatives, le syndicat exerce les pouvoirs du maître d’ouvrage jusqu’à la réception des travaux.

Les travaux d’intérêt collectif "élargis" par la loi Elan

Mais que recouvrent précisément ces « travaux d’intérêt collectif » ? Jusqu’alors, le législateur prévoyait une liste exhaustive des travaux en question en renvoyant aux articles de la loi de 1965 qui précise les majorités requises de vote :

  • travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble, ainsi qu’à la préservation de la santé et de la sécurité physique des occupants (article 24 II a)
  • travaux rendus obligatoires en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ou d’un arrêté de police administrative relatif à la sécurité ou à la salubrité publique (article 24 II b)
  • travaux d’économies d’énergie ou de réduction des émissions de gaz à effet de serre (article 25 f)
  • travaux de suppression du vide-ordure pour des impératifs d’hygiène (article 25 i)
  • réalisation des études et travaux nécessaires à l’individualisation des contrats de fourniture d’eau (article 25 o)
  • travaux d’amélioration tels que la transformation d’un ou de plusieurs éléments d’équipement existants, l’adjonction d’éléments nouveaux, l’aménagement de locaux affectés à l’usage commun ou la création de tels locaux (article 30).

 

Une liste strictement limitative susceptible de freiner la réalisation de travaux n’y figurant pas, mais pourtant nécessaires au bon entretien du bâti. Et pour cause, certains copropriétaires pouvaient tout bloquer en refusant, sans possibilité de recours, de les laisser exécuter à l’intérieur de leur parties privatives.

 

Le texte désormais en application prévoit donc d’élargir aux travaux « régulièrement votés par l’assemblée générale, sans recourir à une liste limitative ». Par ailleurs, l’ordonnance de 2019, en application depuis le 1er juin, offre la possibilité aux copropriétaires de déléguer au conseil syndical certains actes, dont ces travaux, lors d’une assemblée générale. De quoi faciliter un peu plus leur réalisation.

Les recours des copropriétaires

Dès lors que l’assemblée générale vote une résolution, la décision s’applique à tous les copropriétaires, y compris si cela affecte leurs parties privatives ou s’ils s’y sont opposés. Des recours classiques restent bien évidemment possibles pour contester une résolution dans les cas suivants : non-respect des règles de convocation de l’assemblée générale, défaut de communication de documents permettant aux copropriétaires de se prononcer en toute connaissance de cause, ou bien encore, adoption à une majorité inférieure à celle prévue par les textes.

Au-delà de ces motifs de contestation habituels, le législateur a prévu le cas de copropriétaires qui auraient déjà réalisé des travaux redondants avec ceux programmés de manière collective. En effet, la réalisation de travaux similaires risquerait alors d’entraîner un blocage, l’assemblée générale pouvant hésiter à se lancer dans de tels projets. Par exemple, pour des travaux d’économie d’énergie visant à remplacer d’anciennes fenêtres par d’autres en double vitrage. Sans compter des difficultés financières pour les copropriétaires concernés qui se retrouveraient à payer deux fois.

 

Tout copropriétaire démontrant avoir réalisé des travaux équivalents dans les dix dernières années, pourra ainsi être exonéré des travaux d’intérêt collectif votés par l’AG. Sous réserve, bien évidemment de présenter les documents techniques justificatifs des différents équipements installés.

Des indemnisations obligatoires en cas de préjudice suite aux travaux

La loi prévoit en outre des garde-fous pour éviter tout abus :

Ainsi, « l’affectation, la consistance ou la jouissance des parties privatives ne [doivent pas être] altérées de manière durable ». (Article 9 II, alinéa 1er modifié de la loi du 10 juillet 1965)

 

Les copropriétaires qui subiraient toutefois un préjudice suite à l’exécution des travaux, bénéficieront du versement d’indemnités. Voici les cas prévus :

  • diminution définitive de la valeur de leur lot ;
  • trouble de jouissance grave, même temporaire ;
  • dégradations

A noter : en cas de privation totale temporaire de jouissance du lot, l’assemblée générale doit accorder au copropriétaire qui en fait la demande une indemnité provisionnelle à valoir sur le montant de l’indemnité définitive.

 

Ces indemnités, à la charge du syndicat des copropriétaires, sont réparties en proportion de la participation de chacun des copropriétaires au coût des travaux.

Quid de la répartition des charges ?

Seules les charges affectant les parties communes sont concernées par la grille de répartition figurant dans le règlement de copropriété. Pour les travaux portant sur des parties privatives, par exemple, en cas de remplacement de l’ensemble des fenêtres d’un immeuble, chaque copropriétaire va s’acquitter du coût réel des travaux dans son logement. Soit, le nombre de fenêtres ou de mètres linéaires, et non pas une répartition selon les tantièmes généraux des copropriétaires comme habituellement.

Un principe rappelé la Cour de cassation, dans un arrêt du 22 mars 2018. La Haute juridiction a ainsi estimé que la grille de répartition des charges générales ne pouvait s’appliquer dans le cas soulevé. En l’occurrence, l’assemblée générale avait voté, en plus du ravalement de la façade de l’immeuble, la réfection des bois des balcons, parties privatives.

 

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Pour aller plus loin : consulter l’article 9 de la Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis (modifié par Ordonnance n°2019-1101 du 30 octobre 2019 – art. 8)

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